samedi 11 septembre 2010

Le jeu des hirondelles, un belle BD sur Beyrouth en guerre

BEYROUTH, 1984



C'est un peu dans la lignée de Persepolis de Marjane Satrapi que Zeina Abirached a publié en 2007, son magnifique album, Le jeu des hirondelles, mourir, partir, revenir. Le parallèle est bien sûr trop évident entre ces deux femmes : elles dessinent en N/B, une BD sur la guerre et le Moyen-Orient. Pour autant, il me semble que sur la forme et le dessin, il y a bien des différences que nous allons essayer de mettre en exergue ici.


Le point de départ de cette BD est un reportage télévisée datant de 1984 consultable sur le site de l'INA où l'auteur, Zeina Abirached reconnaît se grand-mère interviewée par un journaliste où elle dit :
" Vous savez, je pense qu'on est quand même, peut-être, plus ou moins, en sécurité, ici". Au moment, où elle prononce ces mots, on entend des déflagrations de mitraillettes.

"Ici", c'est en fait à Beyrouth pendant la guerre civile (1975-1990), il n'est pas question de présenter l'histoire très complexe du Liban. Rappelons, de manière très synthétique que le Liban est un ancien protectorat français et que depuis longtemps, il existe une communauté francophone importante. Indépendant en 1926, le Liban est un Etat où cohabite principalement quatre communautés : les Chrétiens maronites, les musulmans sunnites, les chiites et des musulmans hétérodoxes, les Druzes qui vont se déchirer pendant quinze longues années. La présence de camps palestiniens et l'intervention des deux grands pays voisins (la Syrie et Israël) n'ont pas arrangé la situation.


Le récit de cette BD propose telle une tragédie classique, une unité de lieu et une unité de temps : le lieu est l'appartement à Beyrouth dans lequel, un soir, une petite fille et sa famille attendent le retour de leurs parents partis rendre visite aux grands-parents.


L'intérêt de cette BD est de décrire le quotidien d'une ville en guerre dans les années 80, le bruit des bombes, les difficultés quotidiennes (l'absence d'eau courante et de nourriture par exemple), la peur, l'attente, la destruction....
Sans jamais entrer dans le conflit, il se dégage au file des pages, une universalité du quotidien des civils subissant la guerre qui nous amène à partager et à deviner de l'intérieur d'un appartement ce conflit sans jamais le représenter réellement.




Si le récit est une sorte de chronique, un peu à la Anne Franck.....la forme en est bien différente : Abirached prend le parti d'une stylisation du dessin : les personnages sont assez naïfs, avec une touche rétro dans leurs traits et des formes simples et géométriques (la chevelure des personnages est particulièrement stylisée). Elle utilise et abuse du noir qui est omniprésent sur les pages et surtout elle multiplie les effets visuels narratifs par des zooms, des gros plans d'objets, des répétitions ....on en arrive parfois à se rapprocher de l'abstraction par le biais de formes géométriques.....un vrai jeu visuel...



En cherchant à comparer, le style de ces personnages....J'ai enfin trouvé une comparaison (qui vaut ce qu'elle vaut) : les personnages me font, en effet, penser au générique d'une vieille émission des années 70 : histoire sans parole....dont voici un extrait.... hélas, je n'ai pas réussi à mettre la main sur le nom du dessinateur.


HISTOIRES SANS PAROLES ORTF GENERIQUE CLIP ANIMATION TV F HQ



Enfin, je n'ai pas résisté à la mise en illustration de la tirade la plus célèbre de Cyrano...



Ainsi Zeina Abirached réussit à nous raconter une histoire avec beaucoup de poésie et de naïveté feinte qui dépeint de l'intérieur le conflit inextricable du Liban comme pour en exhorter tous ses vieux fantômes. D'ailleurs, elle a poursuivi dans ce sens en publiant également : Je me souviens, (Beyrouth) Catharsis et 38 rue Youssef Semaani qui sont présentés sur ce site.



JC Diedrich

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